« Mon rêve ? Que chaque enfant puisse venir à Debateville »

Meryem Demir (24 ans) étudie le droit à l’Université libre de Bruxelles, mais elle est née et a grandi à Heusden-Zolder au Limbourg. Depuis un an, elle guide un groupe d’enfants chaque semaine. Elle anime bénévolement des ateliers extra-scolaires pour apprendre aux jeunes à débattre. « J’ai hâte que Debateville vienne au Limbourg, pour que mes neveux puissent aussi participer ! Chaque enfant devrait pouvoir vivre cette expérience. »

Comment as-tu atterri à Debateville ?

L’année dernière, j’ai eu un peu plus de temps libre que d’habitude. J’avais initialement prévu de chercher un nouveau job étudiant, mais je suis tombé sur l’appel à mentors dans la base de données des emplois de la VUB. J’ai été immédiatement stimulée, car je n’avais jamais travaillé avec des jeunes auparavant et j’avais envie d’essayer depuis longtemps. C’est vraiment dans ma nature : j’aime relever de nouveaux défis. Plus c’est terrifiant, mieux c’est!

J’étais assez nerveuse à l’idée de postuler, mais les entretiens ont été tellement rassurants et motivants que j’ai tout de suite compris que Debateville était une organisation chaleureuse et solidaire. J’ai alors spontanément demandé à ma colocataire Rukiye de postuler également et elle est maintenant aussi un mentor. Mes expériences ultérieures ont confirmé mon intuition. Je peux toujours m’appuyer sur l’équipe. J’y trouve toujours une oreille attentive : pour mes problèmes, mais aussi lorsque je critique. Je sais que mes commentaires sont pris en compte.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans le rôle de mentor ?

J’ai immédiatement senti que c’était l’occasion de me reconnecter avec mon « enfant intérieur ». En tant qu’enfant moi-même, j’aurais beaucoup profité de Debateville. J’étais très occupée et j’avais de nombreux loisirs. Comme je manquais de confiance en moi à ce moment, je me suis inscrite aux cours de théâtre. Ce côté artistique est très agréable, mais en fait, je cherchais surtout un endroit pour discuter de l’actualité et nourrir mon intérêt pour la politique. Dès l’âge de 10 ans, on voit les jeunes devenir de plus en plus conscients du monde qui les entoure. Pourtant, ils sont rarement pris au sérieux et ne peuvent donc pas exprimer leurs opinions. À cet âge, j’étais très préoccupée par le féminisme et l’inégalité des femmes. À leur tour, les jeunes de mon groupe aujourd’hui veulent beaucoup parler des questions climatiques. J’espère leur offrir un endroit sûr où ils pourront apprendre à connaître le monde.

À l’époque, tu n’avais jamais travaillé avec des jeunes auparavant. Qu’est-ce que ça fait d’être soudainement devant un grand groupe ?

Ils m’ont immédiatement touchée. J’ai été très impressionnée par leur intelligence. Le fait que j’ai toujours agi en tant qu’amie plutôt qu’en tant que professeur m’aide. Je me sens plus comme une facilitatriceque comme une cheffe. Lorsqu’on donne aux jeunes l’espace nécessaire pour être eux-mêmes et se développer, ils commencent vraiment à briller. Les enseignants ont un véritable outil de pouvoir entre leurs mains. J’ai personnellement constaté qu’un bon enseignant peut faire la différence et je veux transmettre cette expérience.

Comment Debateville fait-il la différence pour les jeunes ?

Notre société n’est malheureusement pas faite pour les introvertis. Il est donc essentiel que les jeunes apprennent à faire des présentations, à parler devant un grand groupe, à oser défendre leurs opinions… Je remarque qu’en s’exerçant beaucoup sur ce point, les jeunes grandissent fortement. Non seulement dans le contexte scolaire, mais aussi dans leur vie personnelle. L’autre jour, j’ai entendu quelques jeunes de mon groupe discuter respectueusement pendant la pause, en appliquant spontanément les techniques que nous avions enseignées à Debateville. Malgré leurs différences, ils se sont écoutés et ont essayé de se convaincre mutuellement avec des arguments de fond. C’était un vrai moment de fierté pour moi, de savoir que j’ai cet impact.

Quels ont été tes moments préférés à Debateville ?

J’aime voir comment les jeunes s’entraident et apprennent à gérer des personnalités différentes. Dans mon groupe, il y avait une fille qui était très timide. Dans un groupe plus restreint, elle osait parfois prendre la parole, mais dans les discussions de groupe, elle se taisait. Les autres jeunes lui ont laissé le temps d’apprendre à son propre rythme, et ont intégré sa contribution dans les présentations pour l’ensemble du groupe, par exemple, sans la forcer à parler. En offrant cette sécurité, elle a osé beaucoup plus à la fin de l’année qu’au début.

As-tu le sentiment d’être un modèle pour les jeunes ?

Oui. Je suis moi-même issue de l’immigration et je commence seulement à remarquer à quel point il est important de pouvoir se reconnaître dans un enseignant ou un supérieur. Bien que j’aie été active dans toutes sortes d’activités pendant des années, ce n’est qu’au cours de ma deuxième année à l’université que j’ai eu un professeur non blanc devant la classe. Cela a également un effet important sur les jeunes de Debateville. S’il y a une fille dans mon groupe qui porte le même nom que moi, je les vois rire et rougir. Ils sont surpris que nous venons du même pays qu’eux, ou apprécient le fait que nous jeûnons le Ramadan comme eux. Lorsque les jeunes ne voient que des Blancs à des postes de direction, ils adoptent inconsciemment ce préjugé. L’interaction avec des cultures différentes favorise l’acceptation et la cohésion sociale.

Tu enseignes énormément aux jeunes. En tires-tu des bénéfices toi-même?

J’ai découvert une toute nouvelle facette de moi-même à Debateville. C’est la première fois que j’ai vraiment eu un rôle à responsabilité, ce qui m’a permis d’acquérir beaucoup de compétences. La gestion du temps, l’encadrement d’un groupe, le maintien de l’attention, la structure, la communication claire… La liste est longue. Je me sens également plus courageuse pour relever de nouveaux défis maintenant.

C’est aussi pourquoi je recommande le mentorat à tous mes amis. Tu investis deux heures par semaine, mais tu en reçois tellement plus en retour. Il est aussi très agréable de se retrouver dans une communauté de personnes qui se sentent également attirées par la mission. Même si je ne connais pas encore tous les autres mentors, j’aime venir aux drinks et aux événements. Je sais que je vais bien m’entendre avec eux car ils sont tous engagés dans la même cause.

Quel est ton rêve pour Debateville ?

J’ai hâte que Debateville vienne dans le Limbourg, pour que mes propres neveux puissent y aller aussi ! Chaque enfant devrait pouvoir en faire l’expérience. Ils acquièrent des compétences qui leur seront de toute façon utiles dans la vie. Cela m’aurait beaucoup aidé quand j’étais enfant et je pense que beaucoup d’autres enfants cherchent à relever ce défi.